dimanche 30 mars 2008

VII

nous autres les hommes dans les cimetières
il faut nous voir nous tenir droit
sans savoir où mettre les mains

alors on les croisent devant nous
pour protéger ceux qu’on croie être le plus précieux

nos femmes elles savent avec leurs mains
elles ont toujours un sac
un mari
un mouchoir
ou un bébé pour s’accrocher

quand aux enfants
çà fait longtemps qu’ils sont partis s’amuser sur les graviers
courir sauter et se cacher

nous les appellerons dans un instant pour déposer les roses
en attendant on peut toujours croire qu’ils sont insouciants

dimanche 23 mars 2008

VI


mes amis mes très chers amis
il me semble déjà que vous avez abandonné vos projets de venir un de ces quatre matins
vous ne serez pas là demain et il y a trop de jours que je me répète cela

je vis très modestement
je sors peu
je suis presque toujours très fatigué
je tousse
il fait beau
je n’en profite pas
je ne sors que pour aller travailler
je retrouve si peu des purs matins de ma vie et si peu de nos nuits délabrées que se sont les larmes qui m’endorment
elles me font les paupières presque transparentes
je ne m’éveillerai pas
je m’éveillerai

ne soyez pas effrayés il est tard
ma femme et mon fils dorment à l’étage
le silence vient de moi dans l’habituel vacarme énorme de l’autoroute A7

vous savez combien je vous aime

mercredi 12 mars 2008

V

L’ETERNITE AUX LEVRES

I

en buvant l’eau fraîche des arbres dans le pays de ma mère
quand ce sera la dernière fois de nous
faute de temps et de mémoire aussi
nous entretiendrons un feu dans la nuit la plus simple
car je sais qu’il ne brûlera pas en vain

II

j’entre ce soir dans la maison déserte
sous le saule pleureur l’ombre a tout saccagé
même le silence est différend dans l’été qui insiste
nous n’y perdrons seulement que l’attente

III

non ce n’est pas toi ni moi c’est le monde qui parle
c’est sa terrible beauté
au comble de l’accablement
je commence à croire que la nuit m’attend toujours

IV

et je m’en suis pris aussi à l’absence sous toutes ses formes
j’ai serré dans mes bras des apparitions sous le signe de la cendre
des amours multiples plus nouveaux que le premier
celui qui m’a fermé les yeux à l’espoir et à la jalousie

V

la vision trouée par le cri de Sisteron
la montagne avait un peu glissé
sans dégager aucune époque
chaque soir qui nous virent séparer

VI
l’aube du troisième jour fut celle de notre séparation
personne n’amuse l’amour l’amour n’amuse plus personne
et pour que nos espoirs puisent regravir nos cœurs
il nous faut ne plus rien voir ne plus rien entendre

VII

mort minuscule de l’été
déterre moi mort éclairante
maintenant que je sais vivre
je distingue déjà tes yeux nouveaux d’éternité

samedi 1 mars 2008

IV

j’ai des envies de terrain vague
quand le jour s’abîme derrière l’horizon
et laisse une brèche rouge pour les yeux

il y a des ombres écorchées dans les ronces
des pneus jetés au fond du ravin qui brûlent

il n’y a pas à détester cette fumée nocive

présage d’un rituel sans rêve
pour un sommeil de brute

les tôles raniment au moindre vent
l’âme rouillée d’une sorte de violon
pareille à la plainte des loups

c’est l’heure des questions sans réponse
et d’un désir sans usage
je voudrais boire la pluie
dans tes cheveux et sur ton cou

être à nouveau en friche