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XI
l’inquiétude si tu veux si seuls nous sommes
un champ de tournesol aperçu ce matin
à travers les vitres de l’autobus quotidien
il y a ici plus de mille ans d’histoires
un temple protestant en ruine abandonné
les provences l’été commençant
cadran solaire et boussole
je cherche l’avenir sur une carte
ô mon inépuisable géographie
il y a ici un seul être humain à la ronde
un seul être humain, mais c’est toi
X
la pluie est une amour morte dont nous gardons la voix tremblante au fond du cœur comme un secret
il n’y a pas de mot pour le silence
le temps me dure d’être sans toi
le souvenir l’oubli des jours maigres et de pain dur
c’était hier et çà reste comme le ciel dans la mémoire
un bleu de plus en plus rapiécé
le corps est pris qui croyait prendre l’amour unique entre ses bras où tout est perte
le corps est pris qui croyait prendre l’amour unique où tout finit par s’écrouler comme un mur
IX
je t’ai donné des noms de dame de cœur
des noms de silhouette ou de commencement
des noms d’horizons maritimes
un nom comme le titre d’un film
je t’ai donné des noms dépourvus de syllabes pour occuper le vide
afin de croire que tu existais et ne pas rendre mon billet à l’impossible
des noms jamais tout seuls
mais enchainés en rythme dans mes proses
huit dix douze comme dans les poèmes
roi de pique
as de trèfle
valet de carreau
je ne fus que carte à jouer
les mots que j’écris à présent sont notre descendance
les enfants inconnus de l’amour que nous avons fait si souvent
l’amour que nous avons fait si mal aussi puisque nous ne savions rien de lui naguère
VIII
je me souviens parfois de mon enfance et de tout ce ciel rieur
nous y marchions comme dans le jardin en chuchotant des histoires
nous le touchions avec les doigts nous en barbouillant le visage
on se laissait aller
nous n’étions jamais seul
nous prenions les photographies de l’amour
il n’y avait pas les villes fumantes
aucune digues
pas de navires
pas de séparation ni d’horloges
nos cœurs battaient tout doucement au fond de l’eau
des femmes au large restaient assises les jambes croisées
les soirs d’été duraient longtemps
VII
j’ai laissé dans l’herbe et dans la boue
tout un hiver souffrir le parasol
laissé le vent abattre la maison des oiseaux
laissé à l’abandon les parterres de roses
par paresse et ennui j’ai laissé tant de choses mourir autour de moi
qu’il ne me reste plus pour reposer mes yeux qu’un courant d’air dans la maison
et je m’étonne encore je m’étonne
que le froid me saisisse au cœur même de l’été